La coccinelle asiatique : un raté de la lutte biologique.

Si vous habitez à la campagne, vous connaissez sûrement cette jolie coccinelle aux motifs variés… Coccinelle qui, à la base, n’avait rien à faire chez nous.

Il s’agit en fait de la « coccinelle asiatique » ou « coccinelle arlequin » (Harmonia axyridis). Et comme son nom l’indique, elle vient d’Asie.
Alors qu’est-ce qu’elle fait là ? Contrairement à ce qu’on pourrait penser, sa venue en Europe ne fut pas un accident : Ces coccinelles asiatiques ont en réalité été introduites volontairement en France dans les années 80 par l’INRA, qui voyait en elles un vecteur intéressant dans la lutte biologique.

Car ces coccinelles (et leurs larves), d’apparence inoffensive, sont en réalité de terribles prédateurs, capables de boulotter plusieurs dizaines de pucerons par jour. Ce qui nous arrange bien, car, ai-je besoin de le préciser, les pucerons ciblés sont des parasites potentiellement problématiques pour nombre de nos cultures.

Mais on n’avait pas anticipé que la coccinelle asiatique s’adapterait aussi bien à notre environnement. Tellement bien qu’elle a maintenant colonisé une bonne partie de la France (voire de l’Europe), et qu’elle est maintenant considérée comme espèce invasive…

En quoi pose-t-elle problème ?
La coccinelle asiatique peut produire des nuisances pour l’Homme, car elle a tendance à l’automne à former des groupes de plusieurs centaines voire milliers d’individus, qui cherchent à pénétrer dans les habitations pour passer l’hiver au chaud.

Lorsqu’elles sont stressées, elles émettent une substance orangée nauséabonde, et elles peuvent dans certains cas provoquer des allergies. Bref, si vous commencez à voir ces bestioles zoner par chez vous, évitez donc de les laisser entrer, ou vous risquerez de le regretter…
 
Ces coccinelles peuvent aussi provoquer des dégâts œnologiques : en se regroupant sur les grappes de raisin à l’automne, elles peuvent se retrouver dans le moût et procurer un goût indésirable au vin.

Mais le principal problème est écologique, car ces coccinelles s’attaquent à d’autres insectes non parasites, comme par exemple à leur homologue européenne : la coccinelle 7 points (coccinella septempunctata).

Outre ces attaques, il s’avère que la coccinelle asiatique produit des substances toxiques comme l’harmonine, qui leur permettent d’éviter la prédation. Mais ces substances peuvent aussi présenter un danger pour d’autres insectes comme la coccinelle 7 points…

Et ce n’est pas tout, car elles sont également porteuses sains de microsporidies, des parasites microscopiques fongiques capables de causer des dégâts chez C. Septempunctata, et probablement aussi chez certaines espèces de bourdons. Et la situation semble inéluctable et irréversible, tant l’invasion des coccinelles asiatiques parait inarrêtable (comme pour toutes les espèces exotiques envahissantes, d’ailleurs) …
Cet exemple illustre bien le fait qu’il n’existe pas de technique / technologie dépourvue de risque. Même la lutte biologique, qui est pourtant présentée comme le parangon de l’agroécologie, présente, dans certains cas, des risques.

Est-ce pour cela qu’il faut arrêter la lutte biologique ? Evidemment que non. Ce moyen de lutte contre les ravageurs de culture parait tout de même extrêmement intéressant, et ce dans la majorité des cas, et il est évident qu’on en aura besoin à l’avenir.
Malgré les risques.

Car être ouvert et rationnel en matière d’écologie, ce n’est pas disqualifier une technique / technologie au moindre problème potentiel. Il s’agit au contraire d’évaluer au cas par cas les impacts possibles, et de les comparer avec les impacts posés par les alternatives.
Ces disqualifications systématiques sont cependant prônées de manière récurrente pour d’autres techniques / technologies que celle abordée dans cet article. Elles n’en sont pas moins, à mon avis, malvenues.