Glyphosate et risque sanitaire : et si les agences se trompaient ?

Il y a quelques jours j’ai posté ce tweet.
Je l’ai certes posté un peu rapidement sans m’être beaucoup renseigné sur les articles scientifiques eux-mêmes, faisant confiance aux agences sanitaires qui statuent toutes sur l’absence de risque du glyphosate.
J’en ai déduit que le risque de l’utilisation de cette substance (risque = danger x exposition) était « nul ou faible ».
Ce tweet était avant tout pour souligner que le véritable problème du glypho actuellement (selon mon opinion) est son impact sur l’environnement, et notamment sur la vie dans le sol.


Mais je n’ai pas nié la dangerosité de la molécule, notamment son caractère cancérogène probable qui est étayé notamment par pas mal d’études sur des rongeurs. On sait tous que le CIRC a statué sur cette carcinogénicité probable, et apparemment l’INSERM l’a fait également.
J’estimais juste que le risque devait être « nul ou faible » à cause de la faible exposition, de part l’avis rendu par les agences.

Cependant, on m’a fait remarquer que cet avis des agences n’était pas forcément en accord avec les travaux académiques sur le sujet, et qu’il y avait plusieurs méta-analyses qui pointaient au contraire un sur-risque concernant l’occurrence d’un certain type de cancer : le lymphome non hodgkinien (LNH).
Voici un thread sur le sujet que je trouve très complet (et qui aborde aussi les autres risques sur la santé du glypho).

Alors, pourquoi les agences rendent-elles un avis différent de celui présent dans ces méta-analyses ? Parce qu’elles intègrent aussi les résultats de bon nombre d’études réglementaires produites par les industriels. Ainsi, certaines personnes pensent que ces études n’ont pas forcément la qualité scientifique nécessaire, ce qui fausserait les conclusions des agences.

Concernant mon avis sur le sujet, j’ai encore du mal à croire que l’intégralité des agences sanitaires de la planète puisse avoir un tel biais dans leurs conclusions, mais force est d’admettre que je ne connais pas suffisamment le sujet pour en être sûr, et que les éléments apportés ici sont en mesure de me faire douter.

Ainsi, je pense maintenant qu’il est raisonnable d’estimer possible cette éventualité, même si je n’en suis pas encore totalement convaincu.
Alors essayons maintenant d’appréhender la prégnance de ce risque dans l’hypothèse où les agences se plantent.
Pour cela, soyons pessimistes, prenons l’étude la plus à charge, à savoir l’étude de Zhang et al, qui conclue sur un sur-risque de 41% de développer un LNH chez les exposés au glyphosate.
Je conseille d’ailleurs l’article de l’excellent Thibaut Fiolet sur l’analyse de cette étude.

Alors comme on a du mal à s’imaginer quel est le risque réel, je vous propose de faire un petit calcul simple. Ce calcul sera sûrement faux pour un tas de raisons, mais aura le mérite d’appréhender l’ordre de grandeur de ce risque.
Déjà, il faut savoir ce qu’est le LNH. Il s’agit d’un cancer pas très courant, mais pas si rare que ça. Son taux d’incidence sur un an dans une population normale est d’environ 40 cas pour 100 000, soit 0.040 %. Et on considérera un taux de létalité de 50%.
Ainsi, chez une population exposée au glyphosate, le taux d’incidence devrait être d’environ 0.056% (soit 41% de plus).
Combien de personne sont exposées à ce risque potentiel aujourd’hui ?
Ce sur-risque ne concerne à priori que les agriculteurs qui utilisent du glyphosate. Vu qu’il y a 400 000 agriculteurs en France actuellement, dont 250 000 éleveurs (dont une part font aussi de la culture en parallèle). Je considère ici qu’il devrait y avoir environ 200 000 agriculteurs exposés au glypho. (Merci à @grainhedger pour cette estimation à la louche).
Du coup, si on multiplie le taux d’incidence par ce chiffre, ça ferait 0.056% x 200 000 = 112 cas de LNH par an. Mais sans glypho, il y aurait eu quand même 0.040% x 200 000 = 80 cas de LNH par an. On peut donc considérer que par an, ce sur-risque devrait concerner environ une trentaine d’individus.
Avec un taux de létalité de 50%, cela ferait à peu près une quinzaine de morts par an liés au glyphosate (avec toutes les hypothèses pessimistes).
Ce chiffre n’est pas anodin mais est à relativiser. Par exemple, d’après le courrier Picard, il y a 70 000 accidents du travail par an dont 81 mortels dans le monde agricole. Et ne parlons même pas des suicides (plus de 300 par an d’après cet article, et encore plus que ça d’après les syndicats).

Ainsi, j’en arrive finalement peu ou prou à la même conclusion que ce que j’avais fait dans mon premier tweet, à savoir que le risque du glyphosate pour la santé me parait nul (dans l’hypothèse où les agences auraient raison) ou faible (dans l’hypothèse où elles se planteraient).
Après, on peut arguer que d’autres risques pourraient être présents mais pas encore correctement évalués (Risque pour l’embryon ? Risque de LNH dans l’ensemble de la population ?). Pour le moment, il ne me semble pas qu’on ait vraiment de preuves que ces risques soient significatifs, ce qui me pousse à croire que si risque il y a celui-ci doit être faible. Après, libre aux gens de penser que le principe de précaution doit être appliqué.