La certification HVE « Haute valeur Environnementale » est issue du Grenelle de l’environnement de 2007, et a été mise en place depuis février 2012. Le logo, assez stylé, est identifiable sur certains produits depuis 2014.
En janvier 2020, 5399 exploitations avaient la certification, mais en 2020 ce label a clairement le vent en poupe car 2819 exploitations supplémentaire ont obtenu leur certification HVE en à peine 6 mois…
A noter que la filière viticole est très largement majoritaire parmi les exploitations certifiées HVE.
Certaines régions subventionnent les exploitations labellisées HVE ou qui souhaite le devenir, et le gouvernement projettent d’établir des crédits d’impôt pour les agriculteurs certifiés afin d’inciter la transition pour un nombre maximal d’entre eux.
Le principe :
Il y a 3 niveaux de certification HVE, mais seul le plus haut niveau est labellisé.
La certification peut être obtenue par deux voies : l’option A et l’option B.
-Pour l’option A, la certification repose sur 4 piliers :
*la protection de la biodiversité,
*la stratégie phytosanitaire,
*la gestion de la fertilisation,
*la gestion de la ressource en eau.
Chaque pilier est évalué par un système de points sur différents critères objectifs (une grosse vingtaine).
-Pour l’option B, la plus contestée, la certification s’obtient par une approche plus globale : il suffit à l’exploitation de respecter deux points pour avoir la certification :
*10% de la surface agricole utilisable doit être dévolue à la mise en place d’espaces réservés au respect de la biodiversité (haies, bandes enherbées, refuges pour les auxiliaires…).
*Les intrants (pesticides, engrais…) doivent représenter moins de 30% du chiffre d’affaire.
Les contrôles sont effectués tous les 18 mois par un organisme certificateur indépendant agréé par l’Etat (par exemple : l’Afnor…).
Critiques :
Depuis ses débuts, la certification HVE est sous le feu des critiques. Et celles-ci se sont intensifiées avec sa récente montée en puissance. Ces critiques proviennent principalement des acteurs de l’agriculture biologique.
Par exemple, l’association Génération Future (financée par le bio), le syndicat Synabio, ou le syndicat Confédération Paysanne.
Il semblerait que la filière bio craigne ce label car il risquerait de faire de la concurrence au label « AB » sur la cible des consommateurs concernés par les enjeux écologiques.
Il faut quand même préciser qu’il est possible de cumuler les deux labels et que donc un agri bio peut largement accéder à la certification HVE.
J’irais même plus loin : au moins la certification HVE permettrait de pouvoir davantage faire la différence dans les rayons entre le bio industriel (qui n’est pas forcément meilleur pour l’environnement) et le bio vertueux. Je pense que les agris en bio qui jouent vraiment le jeu de l’agro-écologie ont tout à gagner à se démarquer de ceux qui profitent des zones d’ombre du label AB (J’en avais un peu parlé ici). Et pour cela, la certification HVE pourrait être une possibilité.
Quoi qu’il en soit, j’ai essayé de regarder un peu le contenu de ces critiques afin d’en juger la pertinence. En voici la liste non exhaustive :
-L’HVE n’interdit pas les OGM.
C’est vrai, mais comme je l’ai indiqué dans un précédent thread, je ne vois pas trop en quoi les OGM seraient anti-écologiques. Dans certains cas, les OGM permettent justement de limiter les intrants… Donc cette critique ne m’apparait pas très pertinente.
-L’HVE n’interdit pas les pesticides.
Certes, mais aucune certification n’interdit les pesticides actuellement… Par exemple, contrairement aux idées reçues, l’agriculture bio n’interdit pas non plus les pesticides. Et ce tout simplement parce qu’une agriculture sans pesticides du tout est très difficile à mettre en place dans certaines filières.
-La certification HVE est lourde administrativement et couteuse.
Je veux bien le croire, mais au niveau du coût, les agriculteurs pourront financer la certification de leur exploitation par le crédit d’impôt prévu ou par les subventions des régions. Concernant les lourdeurs administratives, je n’ai pas plus d’informations, mais je doute que ce soit un facteur vraiment limitant sachant que les organismes chargés de la certification sont sensés eux-mêmes se charger de l’évaluation (si vous voulez faire certifier votre exploitation, vous pouvez par exemple allez ici où le mode d’emploi vers la certification est indiqué).
-L’HVE permet autorise l’utilisation de pesticides parmi les plus dangereux.
C’est vrai, mais dans cette certification le risque compte davantage que le danger intrinsèque des substances et je trouve que c’est tant mieux. Ça ne me gêne pas tant que ça qu’une exploitation utilise des substances potentiellement dangereuses si les quantités utilisées sont suffisamment limitées pour que l’impact sur l’environnement et la santé soit restreint. Et la norme HVE permet justement la limitation de ces substances, donc personnellement ça me va.
-L’option B n’est pas pertinente.
Cette option repose principalement sur la limitation des intrants à 30% du chiffre d’affaire. Et effectivement, il semblerait que ce critère avantage carrément les filières à haute valeur ajoutée (la viticulture par exemple) qui ont un fort chiffre d’affaire par hectare et qui du coup pourraient utiliser plus d’intrants par unité de surface pour pouvoir accéder au label. C’est peut-être une des raisons pour laquelle actuellement il y a tant de viticulteurs certifiés HVE (et peut-être aussi parce qu’il est plus difficile de faire du bio en viticulture, du moins sans exagérer sur les pesticides naturels de type sulfate de cuivre).
D’après le ministère de l’agriculture, cependant, cette option B ne serait pas du tout majoritaire et ne constituerait que 30% des certifications pour le moment (du moins c’est ce qu’ils ont affirmé à « vitisphère »). Mais je dois admettre que je n’ai pas trouvé de chiffres officiels attestant de cette proportion.
Pour Laurent Brault, qui est le chargé de mission HVE des Vignerons Indépendants de France, cette option B a toute sa place et reste pertinente mais il admet que « l’option B est incomprise par la plupart des techniciens ou producteurs ».
Pour ma part, j’admets que je trouve cette option B un peu étrange par la simplicité de ses critères et par ses exigences qui paraissent plus faibles que l’option A… Et je suis bien incapable de savoir si ce fameux seuil de 30% du chiffre d’affaire est un critère contraignant ou pas pour un viticulteur.
La mise en place de cette option a été faite dans le but de faciliter la certification chez certains agriculteurs pour qui la lourdeur de l’option A pouvait rebuter. Mais cela ne risque-t-il pas de dévoyer le label ? Quoi qu’il en soit, cette option semble cristalliser les critiques, ce qui risque de nuire à la certification.
-L’option A aussi est trop permissive.
Il y a moins de critiques sur l’option A, mais Générations Futures pointe par exemple une faible exigence du 3e niveau de certification, en arguant qu’il ne faut que 40 points sur 120 possibles pour obtenir la certification. Je subodore un raisonnement fallacieux de leur part, mais j’avoue n’avoir aucune idée de la difficulté pour un agriculteur d’obtenir ces fameux points, sûrement que des agriculteurs pourraient apporter une réponse là-dessus…
En tout cas, pour Josselin Saint-Raymond, le directeur de l’Association nationale pommes poires (ANPP), ces critiques sont infondées et l’accès à la certification reste difficile à obtenir.
Pour conclure, je suis bien entendu favorable à ce label qui me semble reposer sur des critères plus rationnels que le label AB dont il pourrait être complémentaire. Je trouve cependant l’option B difficile à cerner et contestable, car elle repose sur des critères très restreints et potentiellement biaisés.
Et enfin, pour que cette certification soit vraiment efficace, il faudrait qu’elle arrive à conquérir d’autres filières que la viticulture, mais je ne doute pas que les crédits d’impôts jouent prochainement un rôle favorable dans cette optique.
Pour aller plus loin :
https://agriculture.gouv.fr/tout-savoir-sur-la-haute-valeur-environnementale-hve
https://agriculture.gouv.fr/certification-environnementale-mode-demploi-pour-les-exploitations