En direct de mon lieu de vacances, je tenais dans ce thread à vous faire part d’un problème écologique qui m’a attristé, voire choqué.
Car le problème en question est en mesure de changer des paysages entiers en quelques années seulement, sans qu’on ne puisse rien y faire.
Cela fait deux semaines que je suis chez mes parents dans le Haut-Jura, une région que j’affectionne particulièrement, et que je connais très bien pour y avoir passé mon enfance / adolescence. Une région belle et sauvage, et plutôt préservée des impacts habituels de l’Homme.
C’est là, à la faveur d’une promenade, que j’ai constaté le problème.
Plus qu’un problème, il s’agit en vérité d’un véritable génocide.
Je vous laisse regarder les photos qui parlent d’elles-mêmes…
Pour comparaison, voici des photos datant de 2015 dans le même coin.
Comme vous pouvez le constater, l’intégralité des buis anciennement présents dans la zone sont maintenant entièrement dépourvus de feuilles, morts ou dans un état lamentable. Et les buis, à cet endroit, c’est ce qui remplissait la majorité du sous-bois.
J’irais même jusqu’à dire que les buis ici, c’est vraiment eux qui définissent le charme et le caractère du coin (je ne parle pas du Haut-Jura en général, mais de cet endroit en particulier).
Alors, quelle est la cause de cette hécatombe ? Qui donc est responsable de la transformation de ces charmants sous-bois bucoliques en champs de ruines végétales ?
L’humain y est pour quelque chose bien sûr, mais pourtant l’endroit est préservé de la pollution, des pratiques agricoles, de l’urbanisation… La densité de population est faible, et même le tourisme est relativement limité (et croyez-moi, c’est un tort !).
Non, en fait, la raison de ce désastre, c’est un bête papillon. La pyrale du buis.
Un papillon qui n’avait rien à foutre chez nous, car ce papillon vient de très loin : l’Asie.
Là-bas, pas de soucis, la pyrale est en équilibre écologique : les végétaux dont elle se nourrit se sont adaptés et résistent davantage, et il y a des prédateurs qui exercent une régulation de ses effectifs.
Mais une fois débarqué accidentellement en Europe (en 2007), ce brave lépidoptère s’est retrouvé dans une position on ne peut plus favorable : de la bouffe à volonté pour ses chenilles (qui se nourrissent exclusivement de buis), peu de prédateurs adaptés…
Bref, c’est ce qu’on appelle une espèce exotique envahissante.
Et cette espèce là n’a pas trainé avant de proliférer et de faire des dégâts.
A partir de 2013, les dégâts ont commencé à être visibles en Europe, notamment dans certains parcs et jardins.
A partir de 2015, les buxaies françaises ont commencé vraiment à souffrir avec des défoliations massives, voire totales. Et dans les trois ans, ces défoliations entrainent la mort des buis dans 25% des cas en moyenne (jusqu’à 100% dans certains endroits).
Ces deux dernières années, dans le Jura, les chenilles de pyrale (heureusement non urticantes) nous tombaient littéralement dessus dès qu’on mettait les pieds en forêt. Et à la nuit tombée, des nuées de petits papillons venaient embêter le monde. Autant de présages annonciateurs de la catastrophe aujourd’hui constatée.
Car aujourd’hui, le constat semble peu engageant : la totalité des buxaies françaises sont impactées. Et apparemment, d’après ce rapport, les buis du Jura ont peut-être finalement mieux résisté que les autres.
Et ce problème écologique a des répercussions sur les activités humaines : détérioration de la fonction récréative des buis à cause de la dégradation de ces paysage typiques, pénurie de bois pour l’artisanat local utilisant le bois de buis (bois utilisé p.ex. dans la confection des cochonnets !
Pour les parcs et jardins, c’est aussi bien sûr une catastrophe : par exemple, les jardiniers de Vaux le Vicomte ont dû arracher les haies de buis malades afin de les remplacer par autre chose.
Alors pouvons-nous lutter contre ce fléau ?
Malheureusement, une fois qu’une espèce envahissante est dans la place, les moyens de lutte sont limités. Il existe des moyens chimiques ou biologiques pour se débarrasser de la pyrale, mais qui occasionne des répercussions sur les autres espèces d’insectes. Ainsi, dans le cas des buis sauvages, le remède serait pire que le mal.
Je crains qu’il n’y ait plus qu’à espérer que les buis de nos campagnes s’adaptent d’eux-mêmes au problème, sous peine de voir certains de nos paysages changer complètement dans les années à venir.
Pour finir sur une note d’espoir, je n’ai vu aucune chenille de pyrale cette année, sûrement qu’elles n’avaient plus rien à manger ou peut-être grâce aux conditions météo particulières…
Et quelques repousses pouvaient être aperçues à certains endroits. Alors, prémices d’une régénération ou dernier sursaut d’une fin annoncée ? L’avenir nous le dira.