Le Mont César : exemple local d'impact positif de l'Homme sur la biodiversité.

J’essaie sur ce blog d’aborder des thématiques écologiques, et souvent, je reste très général / théorique, mais aujourd’hui je tenais à vous parler d’un cas d’écologie locale, par la description d’un lieu exceptionnel qui se trouve à côté de chez moi, dans l’Oise :
Le Mont César.

Et vous allez voir que la description du local permet parfois d’illustrer à merveille certains concepts. Ici, elle nous permettra notamment de mettre en brèche certaines idées reçues sur l’action de l’Homme (et plus précisément de l’élevage), sur la nature et la biodiversité.
 
Pour les amateurs, il y aura un petit point géologie à la fin, car le lieu dont je parle est également relativement singulier de ce point de vue-là.
 
Commençons par nous mettre dans le contexte : nous sommes dans l’Oise, quelques km à l’est de Beauvais, à la limite entre la forêt domaniale de Hez-Froidmont et le Plateau Picard, réputé pour ses grandes plaines en openfield et ses terrains agricoles particulièrement prolifiques.

Là, il se dresse fièrement entre Bailleul-sur-Thérain et Bresle, du haut de ses 138m : le Mont César.
Quand je suis arrivé dans le coin, venant d’une région montagneuse (Jura), j’ai bien rigolé en apprenant la dénomination pompeuse de « mont » pour désigner ce qui n’est en fait qu’une petite collinette…

Mais malgré sa taille modeste, ce Mont César recèle quelques surprises.
Historiques déjà, car des vestiges gallo-romains y sont présents, et il paraitrait même que César lui-même y avait dressé un camp fortifié (d’où son nom).
 
Mais surtout écologiques, car le Mont César se trouve être un lieu extrêmement riche en biodiversité : il abrite en effet des pelouses calcicoles (appelées « larris » dans le coin) parmi les mieux préservées de la région. Si bien que le site, classé monument historique, est protégé et géré par le Conservatoire des sites naturels de Picardie.

Ce « larris » présente de nombreuses espèces rares d’animaux et de plantes, avec notamment de magnifiques orchidées…

Le larris est bordé par des champs sur son flanc sud (image 1), Et de forêt de type hêtraie (avec un peu de chênes) sur le flanc nord (image 2).

Lorsqu’on s’aventure dans la forêt, on est surpris de constater à quel point la diversité des plantes qui s’y trouvent est faible, notamment au ras du sol où ne poussent grosso-modo que du lierre, en comparaison avec les pelouses où des dizaines de fleurs différentes émergent au printemps.
 
Par cette simple observation, on peut casser un mythe couramment admis : non, la forêt n’est pas forcément le parangon de la biodiversité…
L’ombre importante projetée par les arbres de grande envergure prive en effet les plantes herbacées de photosynthèse, les empêchant de s’y développer.
 
Et ce n’est pas tout. Car cette forêt a tendance naturellement à grignoter le larris, comme on peut le constater lorsque l’on jette un œil à l’orée : des myriades de petits arbres s’apprêtent à grandir et à coloniser encore davantage la pelouse.

Au rythme où ces arbres progressent, on peut facilement estimer que le larris disparaitrait en quelques décennies à peine si rien n’était fait. On peut donc se demander comment de telles pelouses calcicoles, qui existent depuis des siècles, ont pu être préservées aussi longtemps…
La réponse en un mot : l’Homme.
Car depuis des siècles, le Mont César fait office de pâturage pour l’élevage de moutons. Et ce sont ces élevages qui ont, au fil des siècles, permis de dégager et d’entretenir un espace herbeux si riche en biodiversité, en broutant les jeunes pousses d’arbres, qui avaient l’affront d’y pousser.
 
Inutile de préciser que ce cas particulier et local, n’est pas un cas isolé. Partout en France, les élevages permettent de maintenir au forceps des prairies qui présentent de multiples vertus : richesse spécifique, maintien d’une fonction récréative via la conservation de paysages ouverts, stockage de carbone dans le sol…
 
Ainsi, on casse ici un second mythe : non, l’Homme et les pratiques agricoles ne sont pas toujours néfastes pour la biodiversité. Oui, dans certaines circonstances, c’est même l’inverse.
 
Alors ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : notre espèce est actuellement bien plus néfaste pour son environnement que l’inverse, et nous vivons par notre faute une crise majeure de la biodiversité. De même, la pratique de l’élevage présente aussi de gros inconvénients environnementaux, comme l’émission de méthane par exemple. Mais il s’agit de faire la part des choses et de prendre en compte les bienfaits de l’élevage dans l’équation. Ainsi, si la réduction de l’élevage apparait comme éminemment souhaitable, son élimination totale pourrait avoir des répercutions négatives sur notre environnement. Et ça il s’agit de le garder à l’esprit.
 
Pour en revenir à nos moutons, le Mont César en est aujourd’hui quasiment dépourvu (à part quelques virées par ci par là). Mais les autorités locales pallient à leur absence par du défrichage. Fort heureusement, ce lieu remarquable a de bonnes chances de le rester pour encore un bon bout de temps !
 
BONUS : la géologie du Mont César.

Vous l’attendiez tous (non ?), voici une petite conclusion géologique sur ce lieu. Les spécialistes l’auront sûrement remarqué, le Mont César est ce qu’on appelle une « butte témoin ». Il s’agit d’un résidu de terrains géologiques résistants, individualisé par l’érosion environnante.

Ici, en l’occurrence, il s’agit d’une butte témoin constituée de calcaires massifs et de grès (qui donne du sable à l’érosion comme sur cette photo). Ces terrains sont d’âge tertiaire (début).

Et cette butte témoin est posée sur des terrain plus tendre, constitués de craie (d’âge Crétacé).
C’est cette craie du Crétacé qui constitue le Plateau Picard et dont la faible résistance à l’érosion est responsable de ces paysages particulièrement plats.

Pour les utilisateurs réguliers de la carte géologique de la France au millionième, sachez que le Mont César est présent sur la carte.

Et au fait, pour les parisiens : sachez que Montmartre aussi c’est une butte témoin !