Un rapport de l'Académie d'Agriculture sur les "mégabassines".

Dernièrement est sorti un rapport très intéressant de l’Académie d’Agriculture sur les retenues de substitution… Que je tenais à partager et dont je vais tenter de faire un petit résumé.

Les points que je vais mettre en exergue sont ceux que j’estime être les plus importants. Mais pour les gens qui veulent aller plus loin, n’hésitez pas à lire l’intégralité du rapport, qui n’est pas si long que ça.
J’ai déjà traité et expliqué la majorité des points abordés, et vous pourrez juger du fait que mes précédents threads sont en cohérence avec ce qui est dit dans ce rapport.
Il y a cependant certains points que je n’ai pas (encore ?) traités, comme l’importance de la sécurisation de l’eau dans la transition agroécologique, ou encore l’eutrophisation.
 
1- L’Académie d’Agriculture, qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit d’une société savante, basée à Paris, et comprenant plus de 700 membres de spécialités diverses. Sa mission est de mener des réflexions sur le sujet de l’agriculture et de l’environnement, notamment dans une optique d’information et de conseil.
Les membres qui ont participé au rapport sont des experts issus de diverses spécialités en lien avec le sujet.

2- Situation hydrologique du projet de Mauzé-sur-le-Mignon. (p.4 et 5)

-Des nappes phréatiques de faible capacité, incapable de retenir des stocks d’eau importants.
-Des nappes qui débordent en hiver et se vident rapidement en été.

3- L’étude du BRGM (p. 6 à 9)

-Il y a une explication détaillée sur le fonctionnement du modèle « Jurassique » et de ses applications.
-Sont bien sûr évoqués les résultats de l’étude, à savoir un impact « très positif de la substitution sur le niveau des nappes en été », et un impact « largement négligeable » (1%) sur le débit des cours d’eau pendant l’hiver.

-Sont évoqués également les conclusions de l’étude sur les rabattements piézométriques, qui semblent « non négligeables » dans certaines zones. Ces rabattements sont des baisses localisées des niveaux des nappes du fait du pompage.
-Le rapport du BRGM parle également du remplissage des réserves, et des difficultés éventuelles le concernant : « Certains hivers secs, la recharge piézométrique ne permettrait pas de soutenir les prélèvements pour le remplissage des retenues, du moins en début d’hiver »

-L’impact semble positif en été sur le marais Poitevin, et non négatif en hiver.

-Le rapport du BRGM a été vivement discuté sur différents points.

-Le BRGM a répondu en affirmant que malgré les limites, le modèle était « apte à fournir les évolutions de l’ensemble des nappes sur quatre départements ». Et que la décennie choisie dans le modèle est représentative de situations météorologiques contrastées.

-Le BRGM va réaliser une nouvelle étude dont les résultats ne seront pas disponibles avant fin 2024.
 
4- Problème du changement climatique. (p. 9)

-Le changement climatique devrait entrainer une baisse des débits, même en hiver. Donc une baisse de la recharge des nappes. Donc un risque supplémentaire de ne pas réussir à remplir les retenues. La rentabilité économique des dispositifs pourrait donc être mise à mal dans le futur.

-Les critères de seuil de pompage doivent être définis rigoureusement pour éviter les impacts des pompages en fin d’hiver sur les niveaux des nappes au début de l’été, ce qui ne semble pas avoir été le cas jusqu’à présent.
-Le stockage de l’eau doit être accompagné d’autres mesures de préservation de la ressource : choix de cultures moins gourmandes en eau, amélioration du stockage de l’eau dans les sols, paillages, drainages mieux maitrisés…
 
5- Le problème de l’évaporation. (p. 10 et 11)

-L’évaporation dans les retenues peut être estimée grâce à certaines études scientifiques et surtout grâce à l’extrapolation des chiffres d’évapotranspiration potentielle de Météo France.
-Si on considère le bilan « évaporation – pluie », à l’échelle de la saison d’exploitation de la réserve : il y aurait en moyenne 2.3 % de perte (par rapport au volume max de la retenue). Sur une année très déficitaire en pluies : 7.7% de perte.

-Si on considère le bilan annuel des pertes d’eau par évaporation (ETP – ETR) dues à la présence de la retenue : Il y aurait davantage d’évaporation dans les retenues que d’évapotranspiration par un couvert végétal de surface équivalente, de l’ordre de 200 mm/an.
Sur une année moyenne, la perte en eau pour l’environnement, serait de 3.1% du volume maximal de la retenue.

-Si on considère la perte annuelle par évaporation sans prise en compte des pluies : 750 mm annuel en moyenne, soit 11.6% du volume maximal.

-Les chiffres de Ch. Amblard, c’est n’importe quoi (quelle surprise). Ces chiffres proviennent d’une erreur d’interprétation d’une étude sur des lacs américains.

6- Financement et gestion de l’eau. (p. 12)

-Le coût total est estimé à 76 millions d’euros. Assuré à 70% par des fonds publics. Les 30% restant est assumé par les agriculteurs irrigants.
-Les retenues devraient aussi profiter aux irrigants non connectés aux retenues, du fait de restrictions moins fréquentes (grâce à la préservation de la nappe l’été).

-En cas de restriction, les agriculteurs connectés sont limités de la même façon que les non-connectés, dans une optique de justice.

7- Evolution des systèmes agricoles. (p.12 et 13)

-L’irrigation a permis de freiner la baisse du nombre d’exploitations.
-Les surface en maïs ont diminué.
-Un accès à l’eau sécurisé (ce qui est permis par les retenues) permet le développement de cultures à haute valeur ajoutée (dont la culture légumière). Cela permet de faire baisser les surfaces de maïs, ce qui devrait permettre d’économiser de l’eau.

-Evolution des systèmes de culture de la région vers l’agroécologie : + de légumineuses, + de lien entre céréaliculture et élevage (donc meilleur recyclage des éléments nutritifs), allongement des rotations.
Ces pratique agroécologiques bénéficient de la sécurisation de l’irrigation.

-La transition agroécologique est + avancée chez les agriculteurs connectés aux réserves : en proportion, il y a plus d’agriculteurs bio connectés aux réserves que d’agriculteurs non irrigants bio. Entre 2010 et 2020, le nombre d’exploitations bio a été multiplié par 2 en pluvial, et par 5 en irrigué.

L’irrigation, et la sécurisation de cette irrigation, permettrait donc une transition agroécologique plus aisée.
 
8- Protocole d’accord (p. 13 et 14)

-Le protocole d’accord du projet de retenues (signé en décembre 2018) oblige les agriculteurs impliqués à changer leurs pratiques : baisse phytosanitaire de 50%, rotation longues, pratiques de conservation des sols, auxiliaires de culture, haies, corridors écologiques…

-Le respect de ces engagements sera contrôlé par la Direction départementale des territoires (DDT). Le non-respect des engagements entrainera une perte d’accès aux volumes d’irrigation.

9- Retours d’expérience en Vendée (p.14)

-Malgré les retenues mise en place, les prélèvements ont baissé de 1.6 Mm3.

-La baisse des prélèvements l’été (en grande partie grâce aux retenues) a permis une remontée de la nappe de 3m.

10- Des risques d’eutrophisation ? (p. 16 et 17)

-Les conditions d’eutrophisation (prolifération de végétaux aquatiques) sont : une faible profondeur, une température élevée, de l’eau riche en nitrate, de l’eau riche en phosphore (apporté généralement par des sédiments).
-L’eau dans les retenues présente une forte profondeur. Elle présente des faibles teneurs en nitrates (car pompée dans les aquifères superficiels). Elle présente des faibles teneurs en phosphore (car il n’y a pas de sédimentation dans la « bassine », contrairement à dans une retenue collinaire par exemple).
On peut donc conclure qu’il y a de faibles risques d’eutrophisation.

-Le risque causé par l’eutrophisation dans les retenues est avant tout un risque d’encrassement des canalisations.

-Le point de l’eutrophisation est assez peu étudié. Il faudrait un retour d’expérience à ce sujet.
-Il y a peu de risque de prolifération de cyanobactéries, susceptibles d’occasionner un problème sanitaire.

-La décomposition des algues dans les retenues peut occasionner la création de méthane, qui est un puissant gaz à effet de serre. Il n’y a pas eu d’étude sur le sujet.

11- A quoi conditionner la création des retenues ? (p. 17 à 19)

-Il ne doit pas y avoir une solution unique, mais un panel de solutions de différentes natures.

Pour la réussite de ce genre de projet, il faut :
-Conditionner les prélèvements à des seuils réglementaires, qui tiennent compte de l’évolution du climat.
-Prévoir des indicateurs de suivis hydrologique et écologique.
-Eviter les projet inutiles et surdimensionnés.
-Faire des études d’impact suffisamment fournies.
-Un cahier des charges clair, assorti à des indicateurs et des objectifs. Une transparence de ce cahier des charges par rapport au public.
 
Ces projets doivent être associés à :
-Une baisse des prélèvements,
-Une transition agroécologique.