Séisme en Turquie le 6 février 2023 : explications géologiques.

Voici un article pour tout comprendre de l’origine des séismes qui se sont déroulés en Turquie le 6 février dernier, et pour expliquer pourquoi ils ont été si destructeurs.

1) Qu’est-ce qu’un séisme ?

Quelques petits rappels pour les profanes de ce qu’est un séisme. Pour ceux qui savent, vous pouvez zapper !
Le globe terrestre présente en sa surface une couche rigide : la lithosphère. Celle-ci est fragmentée en plaques : les plaques tectoniques.

Les plaques tectoniques bougent les unes par rapport aux autres, à cause des mouvements de convection agitant le manteau asthénosphérique sous-jacent.

Ces mouvements sont responsables de la présence de forces mécaniques (= les contraintes) qui s’appliquent sur les roches. Ces contraintes entrainent des déformations des roches.
Ces déformations peuvent être continues (= plis), ou discontinues (= failles). Ce sont sur ces failles, qui sont des zones de rupture des roches, qu’on lieu les séismes.

Les forces de frottement des roches sur une faille sont telles que celles-ci ne bougent pas si facilement que ça. Avant qu’il y ait mouvement sur la faille, il y a accumulation de déformations élastiques de part et d’autre. Et lorsque les contraintes deviennent trop importantes, la faille se débloque d’un seul coup, ce qui entraine un mouvement brutal des roches.

Ce déplacement brusque libère d’un seul coup toute l’énergie accumulée, ce qui va provoquer l’émission d’ondes mécaniques : les ondes sismiques. Ce sont ces ondes sismiques qui vont provoquer les secousses responsables des dégâts.

Les séismes sont généralement concentrés sur les limites des plaques lithosphériques, comme on peut le constater sur cette carte.

Les zones présentant le plus haut risque sismique sont :
-Les zones de subduction, au niveau desquelles une plaque tectonique passe sous une autre (ex : Japon)
-Les zones de collision (ex : Himalaya), qui correspondent à l’affrontement (= convergence) de deux continents.
-Les zones de décrochements (ex : faille de San Andreas) sur lesquelles on constate un coulissement entre deux plaques continentales.

2) Le contexte géodynamique de la Turquie.

Voici l’affichage des foyers de séisme dans la région de la Turquie : on voit bien qu’il s’agit d’une zone très sismique.

Et pour cause, plusieurs limites de plaques sont présentes : Au nord, la gigantesque plaque Eurasienne, au sud, les plaques africaine et arabe, séparées par la faille de la Mer Morte, et qui remontent vers l’Eurasie. Entre les deux, prise en sandwich, la petite plaque Anatolienne, sur laquelle se trouve l’essentiel de la Turquie.

A cause de la convergence entre l’Eurasie et l’Arabie/Afrique, on observe une « extrusion » du bloc anatolien vers l’ouest.

Ce mouvement d’extrusion se réalise à la faveur de deux énormes failles décrochantes : la faille Nord-Anatolienne (notamment responsable du séisme d’Izmit en 1999), et la faille Est-Anatolienne. Les séismes du 6 février ont lieu sur la faille Est-Anatolienne et ont donné lieu à de multiples répliques, comme nous pouvons le voir sur cette carte (qui représente la localisation des séismes ayant eu lieu cette semaine).

3) Pourquoi autant de dégâts ?

L’importance des dégâts d’un séisme dépend principalement de deux choses : L’intensité des vibrations, et la vulnérabilité de la population.
-L’intensité des secousses dépend avant tout de la quantité d’énergie libérée par le séisme, ce qu’on appelle la magnitude. Celle-ci s’exprime sur l’échelle de Richter. Attention, il s’agit d’une échelle logarithmique : à chaque fois qu’on augmente de 1 sur l’échelle de Richter, l’énergie libérée est multipliée par plus de 30 !
Le séisme le plus puissant que l’on connaisse est monté jusqu’à 9.5 sur l’échelle de Richter, mais on considère qu’au-delà de 7, c’est déjà un très gros séisme.

Or, dans le cas de la Turquie, on a eu deux séismes dont la magnitude a dépassé 7 : Celui de Gaziantep (7.8), et celui de Ekinözü (7.5).

La magnitude dépend de la surface de la faille impliquée et du déplacement le long de la faille. Pour le plus gros séisme, on estime que le déplacement a dû affecter plus de 100 km de faille, avec un déplacement de 3 à 9 mètres.

Et ces deux séismes ont été accompagnés par tout un chapelet de répliques, plus au moins puissantes : 26 séismes de magnitude comprise entre 5 et 6, et 3 séismes de magnitude comprise entre 6 et 7.
Bref, la puissance de l’événement est assez exceptionnelle puisqu’on n’avait pas connu de séisme de telle magnitude depuis 200 ans en Turquie. D’autant que d’habitude, la faille Est-Anatolienne produit des séismes plus faibles que ceux de son homologue Nord-Anatolienne…
A savoir que l’intensité des secousses dépend aussi d’un autre facteur : L’effet de site. Car la puissance des vibrations dépend aussi de la nature géologique des terrains concernés. (Source : IRSN)

Ainsi, pour un même séisme, les secousses seront plus fortes au niveau de bassins sédimentaires que sur le socle lui-même.
On peut voir cet effet sur la carte des intensités du séisme de Gaziantep : on constate que les vallées sont soumises à de plus fortes intensités que les reliefs positifs.

Après, je ne crois pas que l’effet de site était particulièrement défavorable pour ces séismes…
-Vulnérabilité de la population.
La vulnérabilité dépend déjà du nombre de constructions et de la densité de population de la région. Sans être exceptionnelle, celle-ci reste modérément élevée dans la région.

Elle dépend aussi énormément de la qualité des constructions, et des norme parasismiques utilisées. Or, d’après le sismologue Jean Virieux sur RTL, la Turquie fait plutôt office de « mauvais élève » à ce niveau-là, ce qui peut expliquer partiellement l’ampleur des dégâts…

En outre, les séismes ont eu lieu dans une zone où les séismes étaient jusque là modérément puissants, ce qui a pu générer des lacunes dans la préparation des populations. Et le premier séisme, le plus destructeur, a eu lieu pendant la nuit, ce qui est susceptible d’alourdir le bilan humain…