La compétitivité de l'éolien par rapport au nucléaire

Avec l’annonce du plan de relance par le gouvernement, et des investissements futurs qui seront entrepris dans l’énergie nucléaire, le débat sur cette énergie s’est ravivé. Et parmi les arguments récurrents des « anti », son coût.
Dans ce thread, je vais essayer d’expliquer simplement pourquoi cette question n’est pas si simple qu’elle en a l’air.

Le coût de production de l’énergie éolienne est estimé en gros à entre 50 et 100 euros par MWh (prix moyen de l’éolienne terrestre 82 euros par MWh).
Le coût de production de l’énergie nucléaire du parc actuel est estimé à environ 50 euros par MWh, tout compris (construction de la centrale, fonctionnement, combustible, démantèlement).
Mais, le chantier de la dernière centrale en construction, l’EPR de Flamanville, a subit énormément d’imprévus, ce qui a fait exploser son coût, estimé à entre 100 et 120 euros par MWh.
Alors, la question parait légitime : pourquoi développer la filière nucléaire alors que l’électricité qui en sort n’est pas du tout moins chère au MWh que l’électricité qui sort d’une éolienne, à priori pourtant plus « verte » (pas de soucis de gestion des déchets, pas de soucis de disponibilité des combustibles, moins de risques, etc.).

Mais en réalité la situation est loin d’être aussi simple. Pourquoi ?
Pour le nucléaire, plus on va construire de centrales, plus les prix devraient diminuer, du fait de l’augmentation de la compétence des acteurs de la filière. Les erreurs qui ont été faites pour l’EPR de Flamanville devraient en effet être évitées si d’autres projets du même genre devaient voir le jour.
A contrario, pour l’éolien, plus on développera la filière, plus il sera couteux de produire de l’énergie.

-La première raison de cela, c’est que pour le moment les éoliennes sont installées sur les endroits optimaux ou le vent est le plus fort. Mais dès que les meilleurs emplacements seront saturés, il faudra se rabattre sur les zones moins venteuses, voire sur l’éolienne offshore, qui est plus couteuse. Mécaniquement, le coût de l’éolien devrait alors augmenter.

-La deuxième raison, c’est le coût de l’aménagement du réseau électrique. Ce coût ne figure pas dans le coût de production cité plus haut, alors que pourtant il est considérable. Raccorder des multitudes d’éoliennes délivrant une énergie diffuse coûte beaucoup d’argent. Surtout que le réseau devra être capable de gérer les surcharges les jours où le vent soufflera fort. Il est estimé que le coût dans l’ « environnement électrique » est environ identique au coût de la seule production. Considérer ce problème revient donc à doubler le prix de l’éolien.

-La troisième raison, qui est sans doute la plus problématique, c’est que l’énergie éolienne est une source d’énergie intermittente, qui ne produit de l’énergie que quand les conditions météo le permettent (lorsque le vent souffle). Ainsi, il est nécessaire d’avoir ou bien une source pilotable pour assurer les jours sans vent, ou bien un moyen de stocker l’énergie lors des pics pour la redistribuer pendant les périodes de creux.
Pour le moment, on doit être à un peu plus de 6% d’énergie éolienne en France, donc ce problème n’est pas si grave. Les jours sans vent, on peut facilement compenser en ouvrant les vannes des barrages ou en faisant marcher les quelques centrales thermiques qui nous restent. Maintenant, les centrales nucléaires peuvent même adapter leur production rapidement pour palier à un manque éventuel.
Mais plus la proportion d’énergie éolienne augmentera, plus il sera nécessaire d’assurer un stockage de l’énergie produite. Et ça, c’est extrêmement coûteux.

Le moyen le moins cher de stocker de l’énergie, ce sont les STEP : on pompe de l’eau d’un bassin aval vers un bassin en amont pendant les pics, et on laisse s’écouler l’eau pendant les creux pour activer les turbines et produire de l’électricité.
Or, ces STEP coutent malgré tout très cher et occasionne inévitablement une perte d’énergie.
Ainsi, on peut prendre en compte tous ces facteurs pour estimer le coût réel de l’énergie éolien par rapport à l’énergie nucléaire en considérant 100% d’énergie éolienne sur le territoire. Et là, le résultat est sans appel. D’après les calculs de JM Jancovici, le coût du « 100% éolien » serait plus de 6x supérieur au coût du « 100% nucléaire ».
Même si on considère les hypothèses les plus improbablement optimistes pour l’éolien et les plus improbablement pessimistes pour le nucléaire, l’éolien serait quand même 2x plus chère que le nucléaire dans le cadre d’un « scénario à 100% ».
Pour conclure, on peut supposer raisonnablement que le scénario 100% éolien parait très difficile à atteindre économiquement parlant, ce qui n’est pas le cas du scénario 100% nucléaire (qui est presque ce qu’on a actuellement d’ailleurs). Et je n’ai pas parlé du scénario 100% photovoltaïque qui est encore bien pire. A partir de là, on n’a pas trop le choix : il faut une source d’énergie pilotable. Et vu qu’on est à saturation pour l’hydroélectrique, il ne nous reste plus que le nucléaire ou le thermique. Et vu les risques climatiques du thermique, je crains que si nous voulons vraiment être écolos et rationnels, nous n’ayons d’autres alternatives que de faire confiance à l’atome, comme vient d’ailleurs de le faire B. Pompili, qui pourtant était plutôt à la base dans le camp des « anti ».
 
Ce thread n’est qu’une vulgarisation simpliste d’un sujet extrêmement complexe. Si vous avez le temps de vous y intéresser vraiment, je ne saurais trop vous conseiller les travaux du Réveilleur ou de JM Jancovici.
Je me suis d’ailleurs largement inspiré de cet article : https://jancovici.com/transition-energetique/renouvelables/100-renouvelable-pour-pas-plus-cher-fastoche/
Sur twitter, je pense que suivre Tristan Kamium, ou encore Maxence Cordier, devrait vous donner quelques billes pour mieux comprendre ce sujet fascinant.