Faut-il autoriser l'amélioration génétique ?

La remise du prix Nobel de chimie à J. Doudna et à E. Charpentier pour leurs recherches sur les techniques d’édition du génome par CRISPR-Cas9 a quelque peu réactivé le débat moral autour des OGM.
Alors faut-il autoriser l’utilisation du génie génétique pour améliorer les variétés cultivées ?
Ce thread, qui traitera uniquement de la question « morale » de l’autorisation des OGM, fait suite à un précédent fil plus technique qu’il est à mon avis nécessaire de lire si on n’est pas déjà un peu au fait du sujet. https://twitter.com/TerreTerre13/status/1315305100261429248
Et dans un souci de transparence, je ne vais pas jouer au neutre plus longtemps… Je vous le dis d’emblée : je suis favorable à l’utilisation de ces nouvelles techniques. Je vais donc tenter dans ce fil d’expliquer pourquoi.

En fait, il y a à mon avis deux raisons d’être contre :
1-On peut trouver ces techniques intrinsèquement indésirables.
2-Ou on peut refuser cette technologie par crainte des mauvais usages qu’on pourrait en faire.

Pour la raison « 1 » :

On peut je pense exclure d’emblée l’argument des impacts sur la santé des techniques de génie génétique, car le consensus semble établi : si risque il y a, celui-ci n’est pas lié à la technique elle-même (de transgénèse ou de mutagénèse dirigée).

(image issue d’un rapport de l’OMS)

On peut cependant trouver ces techniques indésirables d’un point de vue moral, en considérant qu’il est amoral de modifier génétiquement des êtres vivants. Mais ce point de vue me parait profondément ancré dans une certaine religiosité : C’est sûr que si on considère que les êtres vivants ont été créés par un Dieu quel qu’il soit (le Dieu chrétien par exemple, ou « Mère Nature »), la vie devient imprégnée d’un caractère « sacré », et il devient blasphématoire de vouloir la modifier.
Mais étant non croyant, même si je comprends ce point de vue, il ne me convainc pas pour autant. Plus que ça, je trouve cela pas bien normal que le côté spirituel soit pris en compte dans une société qui se dit laïque.
De plus, il semble évident qu’en réalité TOUTES les variétés utilisées par les agriculteurs sont DEJA génétiquement modifiées par l’Homme. Comme je l’ai expliqué dans mon précédent thread, la sélection que les paysans appliquent depuis les débuts de l’agriculture à leurs variétés a entrainé des modifications considérables tant sur le plan génétique que macroscopique.
Il suffit de comparer les espèces aujourd’hui cultivées avec leurs équivalents sauvages pour s’en rendre compte.

On peut cependant trouver ces techniques indésirables d’un point de vue moral, en considérant qu’il est amoral de modifier génétiquement des êtres vivants. Mais ce point de vue me parait profondément ancré dans une certaine religiosité : C’est sûr que si on considère que les êtres vivants ont été créés par un Dieu quel qu’il soit (le Dieu chrétien par exemple, ou « Mère Nature »), la vie devient imprégnée d’un caractère « sacré », et il devient blasphématoire de vouloir la modifier.
Mais étant non croyant, même si je comprends ce point de vue, il ne me convainc pas pour autant. Plus que ça, je trouve cela pas bien normal que le côté spirituel soit pris en compte dans une société qui se dit laïque.
De plus, il semble évident qu’en réalité TOUTES les variétés utilisées par les agriculteurs sont DEJA génétiquement modifiées par l’Homme. Comme je l’ai expliqué dans mon précédent thread, la sélection que les paysans appliquent depuis les débuts de l’agriculture à leurs variétés a entrainé des modifications considérables tant sur le plan génétique que macroscopique.
Il suffit de comparer les espèces aujourd’hui cultivées avec leurs équivalents sauvages pour s’en rendre compte.

Au niveau génétique, c’est pareil. Par exemple, le blé tendre cultivé actuellement (Triticum aestivum) a 6 fois plus de chromosomes que ses équivalents sauvages à partir desquels il a été développé.

Et pour les animaux élevés, c’est pareil aussi. Une vache aujourd’hui ne ressemble plus du tout à ses équivalents sauvages d’antan. Et ne parlons même pas des chiens…

Ainsi, je trouve ça un peu hypocrite de refuser la transgénèse et l’édition de génome sous prétexte que c’est amoral de transformer le vivant, alors que la totalité des variétés cultivées actuellement sont en réalité déjà des sortes d’OGM.
Je n’ai jamais vu personne, ni même les écologistes les plus extrémistes, remettre en causes nos variétés obtenues par sélection, parce que « elles ont été obtenues par des moyens traditionnels alors ça passe ». Mais je suis désolé, sans l’Homme elles n’existeraient pas donc il n’y a pour moi aucune différence.

Et ce n’est pas tout. Car on a tendance à oublier que des transferts génétiques entre espèces existent dans la nature ! Les causes de ces « transferts horizontaux de gènes » sont encore mal connues mais on soupçonne l’implication de certains virus.
Par exemple, les pucerons présentent un gène de champignon qui leur permet de produire des caroténoïdes…
(Source)

Notre espèce elle-même présente au moins 33 gènes transférés d’autres espèces. Donc techniquement, nous sommes en réalité tous… des « OGM ». (Source)

Pour la raison « 2 » :

On peut refuser la manipulation génétique par peur des mauvais usages. Effectivement, le génie génétique peut mener à des situations problématiques : l’eugénisme, par exemple, quand il est appliqué à notre espèce, mais là on est bien loin de l’agronomie. J’irais même jusqu’à dire que les exemples de mauvais usages en agronomie ne sont pas si simples que ça à trouver.
On peut être par exemple contre les OGM « round-up ready » résistants au glyphosate car leur utilisation incite à l’utilisation d’herbicides dont les effets peuvent être nocifs pour les sols. Sans compter qu’il semblerait que ces OGM favorisent la survenue de résistances des mauvaises herbes alentours vis-à-vis du glyphosate, ce qui pourrait amener à augmenter les doses.
Mais pour moi condamner un ou plusieurs (mauvais) usages des techniques de génie génétique n’est pas une raison suffisante pour condamner l’ensemble de la technique. C’est d’ailleurs une question très philosophique, qui pourrait se poser à chaque avancée technique : Doit-on domestiquer le feu alors que si on le gère mal, c’est tout le camp qui risque de partir en fumée ? Doit-on domestiquer les chevaux alors qu’on peut tomber et se faire piétiner ? Doit-on développer des marteaux alors qu’un déséquilibré peut s’en servir pour fracasser le crâne de son voisin ?

Bref, vous m’avez compris je pense : si on avait interdit toute technique permettant des mauvais usages, on en serait encore littéralement à cueillir des baies et à vivre dans des huttes (et encore, une hutte mal conçue pourrait s’effondrer et des tuer des gens).

Et d’un autre côté, les techniques de génie génétique peuvent apporter beaucoup.
-Ils peuvent contribuer à augmenter les rendements de l’agriculture (et des hauts rendements, c’est mieux pour l’écologie aussi).
-ils peuvent permettre d’éviter l’usage de pesticides. L’exemple le plus connu c’est le maïs Bt qui est résistant à la pyrale du maïs et qui permet ainsi d’éviter d’utiliser des insecticides.
On peut très bien imaginer par exemple que la transgénèse permette d’obtenir rapidement une variété de betterave résistante à la jaunisse, permettant ainsi d’éviter l’usage des néonicotinoïdes, si décriés par les écologistes de tous poils.
(Source)
-Ils peuvent permettre d’augmenter les qualités nutritionnelles de certains aliments. Par exemple, le « riz doré » est un OGM du riz plus riche en bêta-carotène, qui pourrait permettre de réduire les carences en vitamine A dans certaines populations.
(Source)
Bref, des « bons » usages, il y en a. Dès lors, il me semble cohérent, au lieu d’interdire de façon dogmatique l’ensemble de ces techniques, d’effectuer un contrôle au cas par cas.
Il est possible qu’un OGM présente un risque, si par exemple la protéine codée par le gène inséré s’avère toxique pour l’homme sur le long terme, est nocive pour l’environnement ou déclenche des allergies. C’est pour cela que chaque variété doit être évaluée avant la mise sur le marché. Mais je crains que l’interdiction générale, basée sur le moyen plutôt que sur le résultat, ne nuise plus qu’autre chose à la cause écologique.