Synthèse des pratiques culturales en 4 figures

Les diagrammes présentés ont comme unique ambition d’informer le grand public sur la nature et les implications de différents types de systèmes agricoles. La réalité agricole étant bien trop complexe pour être schématisée de la sorte, ces diagrammes ne sont que des simplifications de la réalité, et ne doivent en aucun cas être pris pour une vision exhaustive des différentes pratiques utilisées.
Dans un souci de lisibilité, les pratiques agricoles concernant l’élevage n’ont pas été prises en compte dans ces diagrammes. On considère en effet que la comparaison des pratiques d’élevage avec les pratiques de cultures n’a pas vraiment de sens.

Tous les détails sont indiqués plus bas...

Les systèmes considérés

-Agriculture conventionnelle intensive « avec excès » : On considère dans ce champ uniquement les exploitations qui utilisent des fertilisants et des pesticides en excès par rapport à ce qui est nécessaire. On considère également que les exploitations de ce champ n’utilisent aucune autre méthode d’agroécologie. L’appellation « conventionnel » regroupe dans le langage courant tout ce qui n’est pas de l’agriculture biologique, mais le champ considéré dans ce modèle n’inclut pas du tout la totalité des systèmes conventionnels, seulement ceux qui sont les moins vertueux. Dans la France d’aujourd’hui, on peut considérer que le nombre d’exploitations inclues dans ce modèle est limité de par les normes existantes. On peut cependant considérer qu’à une certaine époque, la majorité des exploitations rentraient dans ce champ.

-Agriculture conventionnelle raisonnée : On considère ici un système qui se contente de comptabiliser les intrants, et ainsi d’en limiter l’utilisation à leur strict nécessaire. En revanche, on considère dans ce système qu’il n’y a pas d’autres méthodes agroécologiques utilisées (dans ce cas, on se réfèrera au système « agriculture intégrée »), ni de limitation particulière du travail du sol (dans ce cas, on se réfèrera au système TCS ou ACS). Il s’agit d’un parti pris pour une meilleure lisibilité afin d’éviter trop de recouvrements des champs, car l’agriculture raisonnée peut en réalité inclure les TCS, l’ACS ou l’agriculture intégrée… Il est probable que la majorité des exploitations françaises d’aujourd’hui rentrent dans cette case.

-TCS (techniques culturales simplifiées) : On considère ici un système agricole qui limite le travail du sol sans le supprimer complètement (dans ce cas, on se réfèrera au système ACS). Ce système est cumulable avec le bio ou l’agriculture intégrée.

-ACS (Agriculture de conservation des sols) : On considère ici un système agricole labellisé (ou labellisable) par le label « au cœur des sols », et qui respecte donc les trois piliers de l’ACS : absence totale de travail du sol, rotations longues des cultures, couvert végétal permanent. Ce système est cumulable avec de la lutte intégrée mais est peu compatible avec l’agriculture biologique : en effet, l’absence de travail du sol implique presque toujours l’utilisation d’herbicides pour endiguer les plantes adventices et pour détruire les couverts, or ces herbicides sont interdits en bio.

-Agriculture intégrée : On considère ici un système qui limite au maximum les intrants grâce à des moyens de biocontrôle et grâce à des outils diagnostics permettant l’intervention de l’agriculteur que lorsque c’est vraiment nécessaire. Ce type de système est compatible avec l’ACS, la TCS, et le bio.

-Agriculture biologique : On considère ici un système agricole labellisé (ou labellisable) par le label « agriculture biologique ». Ce label implique la suppression des intrants de synthèse mais autorise les produits « naturels ». L’agriculture bio peut également utiliser les TCS (malgré des problèmes possibles liés aux adventices) ainsi que la lutte intégrée. En revanche, elle est peu compatible avec l’ACS à cause de l’impossibilité d’utiliser des herbicides. En l’absence total de travail du sol, il devient ainsi compliqué de gérer les plantes adventices (mauvaises herbes).

-Permaculture : La permaculture n’ayant pas de définition vraiment définie ni de label, on considère ici un système similaire à celui du Bec Hellouin, où les pesticides et toute forme de mécanisation sont absents. Les pratiques utilisées sont les suivantes : soin des abords, désherbage à la main, utilisation d’outils « rudimentaires », diversité des végétaux utilisés, optimisation de l’espace. Attention cependant, la permaculture n’est actuellement pratiquée qu’en maraichage, et n’est en aucun cas généralisable de par la quantité de travail colossale nécessaire par quantité d’aliments produits (cf. figure 3). Ainsi, la comparaison avec les autres systèmes est en réalité compliquée. La permaculture est anecdotique en France et dans le monde et est limitée à quelques micro-fermes ainsi qu’à des pratiques récréatives. Cependant, ce genre de systèmes génère énormément de spéculations et d’espoirs infondés. Pour cette raison j’ai donc fait le choix malgré tout de ne pas ignorer la permaculture dans cette synthèse afin d’en souligner les qualités, mais aussi et surtout pour délimiter clairement quelle en sont les limites.
 
Le système HVE (Haute Valeur Environnementale) n’est pas indiqué sur les diagrammes. Ce système est particulière difficile à intégrer dans de genre de synthèse de par le fait qu’il y ait 2 options de certification (option A et option B) et du fait de la multiplicité de critères en option A. De plus la certification HVE est cumulable avec beaucoup d’autres pratiques (bio, ACS, TCS, agriculture intégrée…).

Diagramme 1 : Préservation des sols.

Le sol est le volume situé entre la surface et les roches du sous-sol. Sa texture physique et sa composition sont des paramètres essentiels pour une agriculture productive. Il contient aussi de nombreux êtres vivants de diverses natures. La préservation du sol est ainsi un enjeu majeur pour la durabilité et la productivité d’un agrosystème, mais aussi pour la préservation de la biodiversité.
Le sol peut être endommagé par certaines pratiques agricoles. On considère deux facteurs de risque correspondant aux deux axes :
* L’apport de pesticides, qui peuvent endommager la faune du sol, et donc sa biodiversité. Les herbicides sont ici considérés comme des pesticides.
* Le travail du sol, qui déstructure physiquement le sol (le rendant plus vulnérable à l’érosion ou à l’immersion) et qui endommage la faune du sol, en particulier les « gros » animaux (vers de terre, carabes…).
Il y a bien sûr d’autres critères en rapport avec la biodiversité du sol que ceux-là : zones refuges pour la biodiversité, modes de fertilisation, bandes enherbées, couvert végétaux…  Mais le diagramme ne se limitant qu’à deux axes, il fallait faire un choix.
De même, le respect de la biodiversité ne se limite pas à sauvegarder la vie dans le sol. L’agriculture peut impacter défavorablement la biodiversité de différentes autres manières : utilisation de surfaces initialement dévolues à des écosystèmes naturels plus riches, pollution des milieux aquatiques, impact sur les insectes volants, impact sur les oiseaux ou sur les mammifères, etc. Ces diagrammes ne prennent pas en compte ces différents impacts à cause de la complexité du sujet et de la redondance possible sur certains points avec le diagramme 1.

-Pour le champ « conventionnel avec excès » : Etant donné le postulat de départ, on considère que ce système utilise le labour et ne limite pas ses usages de pesticides.

-Pour le champ « agriculture conventionnelle raisonnée » : On considère ici que ce système limite ses apports en pesticides, mais sans utiliser des outils diagnostics particulier ni des moyens agroécologiques.

-Pour le champ « TCS »  (techniques culturales simplifiées) : On considère ici que ce système limite le travail du sol à un travail superficiel, mais sans suppression totale du travail. Le paillage / recouvrement des sols usuellement utilisé en TCS apporte des bienfaits pour la biodiversité, mais qui ne figure pas dans ce diagramme (juste indiqué comme « atout »).

-Pour le champ « ACS » (Agriculture de conservation des sols) : On considère ici que l’usage de pesticides est limité par la rotation des cultures, qui permet une meilleure résilience du système. En revanche, l’abandon totale des pesticides en ACS est noté comme improbable compte tenu de nos pratiques actuelles, car les herbicides sont encore la plupart du temps nécessaires pour la lutte contre les adventices. L’apport du couvert végétal dans la préservation du sol n’est ici pas pris en compte dans le diagramme mais est indiqué comme « atout ».

-Pour le champ « agriculture intégrée » : On considère ici un système utilisant la lutte intégrée pour limiter les pesticides à leur strict minimum. La limitation des pesticides est considérée ici comme plus drastique que le système « agriculture conventionnelle raisonnée », grâce à l’utilisation de moyens de biocontrôle et d’outils de diagnostic permettant l’épandage que lorsque c’est absolument nécessaire. On considère ici que l’agriculture intégrée ne s’affranchit pas complétement de pesticides, mais les utilise de manière plus ou moins rare.

-Pour le champ « agriculture biologique » : On considère ici que l’agriculture biologique est en mesure d’utiliser un travail superficiel du sol (et de cumuler bio et TCS), même si cela peut poser des problèmes de gestion des adventices. En revanche, on considère que le non labour n’est pas possible (ou presque) à cause de l’impossibilité d’utiliser des herbicides. Concernant la quantité des pesticides utilisés, le champ est large car compte tenu des exigences du label (interdiction des produits de synthèse, mais pas de limitation des produits « naturels »), les pratiques peuvent beaucoup varier d’une exploitation à l’autre. Dans certains systèmes, comme par exemple en grande culture, les exploitants peuvent arriver à se passer totalement de pesticides, tandis que dans d’autres (viticulture, par ex.), les pesticides naturels peuvent être utilisés, parfois même en quantités non négligeables.

-Pour le champ « permaculture » : On considère ici que la permaculture n’utilise aucun travail du sol ni aucun pesticide. La qualité du sol et la biodiversité sont donc naturellement élevées dans ce type de système.

Diagramme 2 : Rentabilité économique.

La rentabilité économique est un facteur essentiel pour qu’une exploitation puisse persister et se développer. Le but de ce diagramme est de tenter de savoir s’il existe des modèles davantage rémunérateurs pour les agriculteurs.
Pour cela, j’ai décidé de représenter les différents champs sur deux axes :
-L’axe des ordonnées représente la quantité de produits alimentaires obtenus par un agriculteur. Il prend ainsi en compte deux facteurs : le rendement surfacique, à savoir combien l’agriculteur arrive à produire par unité de surface, et la quantité de travail par hectare. Cette quantité de travail par hectare semble être un indicateur pertinent car il permet notamment de pointer les limites d’un système de type permaculture qui nécessite une quantité de main d’œuvre considérable.
Evidemment, la quantité de produits alimentaires varie énormément d’un type de culture à l’autre, donc j’ai choisi une échelle en valeurs relatives avec un « 100 % » qui correspond à la quantité obtenue par un agriculteur conventionnel en système intensif.
                -L’axe des abscisses représente la marge financière obtenue par quantité de produits. Celle-ci dépend donc de deux choses : du prix de vente des produits obtenus, ainsi que de l’investissement nécessaire pour les produire (prix du matériel, du carburant, des intrants, etc.). Comme la valeur des produits dépend aussi énormément du type de culture, j’ai encore une fois choisi une échelle en valeurs relatives avec un « 100 % » qui correspond à la médiane de la marge obtenue par un agriculteur conventionnel en système intensif.
Les courbes en pointillés représentent ainsi les niveaux de rémunération pour l’agriculteur, en % de la médiane des agriculteurs conventionnels en système intensif.

-Pour le champ « conventionnel avec excès » :
Pour l’axe des ordonnées, le champ conventionnel correspond au système de référence donc à 100 %.
Concernant la marge financière par quantité de produits, on se basera sur les données concernant le maraichage présentes dans ce rapport du sénat (http://www.senat.fr/rap/r19-277/r19-277_mono.html) : en non bio, on est entre 500 et 9000 euros d’excédents brut d’exploitation par hectare, avec une médiane à 3000 euros par hectare qui correspondra à notre 100 % de l’axe des abscisses.
La base de la fourchette serait alors à 17 % de la médiane en conventionnelle (500 / 3000 x 100 = 17 %)
Le plafond de la fourchette serait alors à 300 % de la médiane en conventionnelle (9000 / 3000 x 100 = 300 %)

-Pour le champ « agriculture raisonnée » :
On considèrera que la diminution limitée des pesticides et l’absence de mesures agroécologiques supplémentaire présupposées dans ce système n’impactera que très légèrement le rendement.
Concernant la marge financière par quantité de produit (axe des abscisses), on considérera un coût des intrants en conventionnel correspondant à environ 40 % du chiffre d’affaire. Je n’ai pas de véritables sources sur le sujet, mais en bonne approximation, les économies pourraient permettre d’améliorer le prix de revient de 5 à 10 %... Pour améliorer la visibilité du diagramme, le titre « agriculture raisonnée » sera fusionné avec celui « agriculture conventionnelle avec excès ».

-Pour le champ « agriculture biologique » :
Sur « https://www.biolineaires.com/social___formation/ », il y est indiqué qu’en bio le nombre UTA (unité de travail annuel = travail d'une personne travaillant à temps plein pendant une année) par exploitation est de 2.4 contre 1.5 pour le conventionnel. A apprendre avec des pincettes car ces chiffres ne distinguent pas élevage et culture.
De plus, sur cet article « https://www.agrireseau.net/blogue/94395/ai-je-le-temps-pour-du-bio », il est indiqué que le bio en grande culture nécessite 30 à 40% de temps de travail en plus.
En bonne approximation, il semblerait donc que le bio nécessite davantage de travail par hectare que le conventionnel. On estimera donc qu’un agriculteur bio ne peut prendre en charge en moyenne que 2/3 de la surface qui aurait été prise en charge par un agriculteur en conventionnel.
De plus, l’agriculture biologique souffre à priori d’un déficit de rendement par rapport au conventionnel (https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/le-bio-peut-il-nourrir-le-monde_17672) de 8 à 25%.
La quantité de denrées alimentaires produites par agriculteur serait donc environ de 50 à 60% de la quantité produite par un agriculteur conventionnel.
Concernant la marge financière par quantité de produit (axe des abscisses), on se basera sur les données concernant le maraichage présent dans ce rapport du sénat (http://www.senat.fr/rap/r19-277/r19-277_mono.html) : en bio, on est entre 2000 et 8000 euros d’excédents brut d’exploitation par hectare, avec une médiane à 4000 euros par hectare. Mais le bio produit entre 8 et 25% de produits de moins par hectare que le conventionnel.
La base de la fourchette serait alors à 72 % de la médiane en conventionnelle (2000 / 92 x 100 = 2173 ; 2173 / 3000 x 100 = 72 %)
Le plafond de la fourchette serait alors à 355 % de la médiane en conventionnelle (8000 / 75 x 100 = 10 667 ; 10 667 / 3000 x 100 = 355 %)

-Pour le champ « permaculture » :
D’après le rapport de l’INRA sur l’exploitation du Bec Hellouin (qui nous sert à définir ce système), la surface exploitée est de 1000 m² soit 0.1 ha. En moyenne il a fallu 1700 heures annuelles pour s’occuper de cette surface. Soit, en considérant des semaines de 45 heures et 4 semaines de vacances annuelles : environ 0.8 UTA. 1 UTA correspondrait donc à environ 0.125 ha. Cela parait très faible par rapport aux 67 ha/UTA calculés en conventionnel. Cependant il faut comparer ce qui est comparable : à savoir ce système en permaculture par rapport à un système conventionnel en maraichage. Pour cela, on peut trouver ici (http://37.235.92.116/IMG/pdf/dossier16_chapitre3.pdf) des ressources intéressantes sur les temps de travail et les surfaces en maraichage. On y trouve pour le maraichage, 28 700 UTA pour une surface légumière de 29 540 ha. Ce qui ferait donc environ 1 ha par UTA, soit 10 fois plus qu’en permaculture.
Concernant les rendements, il semblerait que ceux-ci soient approximativement identiques ou légèrement inférieurs qu’à ceux d’un système intensif conventionnel. (https://www.researchgate.net/publication/320242790_Small_can_be_beautiful_for_organic_market_gardens_an_exploration_of_the_economic_viability_of_French_microfarms_using_MERLIN)
On estimera donc qu’un système en permaculture de type Bec Hellouin produit moins de 10% par agriculteur que ce que produit un système conventionnel intensif.
Concernant la marge financière par quantité de produit (axe des abscisses), on se basera sur le rapport de l’INRA sur la ferme du Bec Hellouin. Le revenu annuel net par agriculteur était compris entre 10 779 euros et 18 849 euros sur une surface de 0.125 ha, pour un rendement surfacique à peu près similaire.
La base de la fourchette serait alors à 2874 % de la médiane en conventionnelle (10 779 / 0.125 = 86 232 ; 86 232 /3000 x 100 = 2874 %)
Le plafond de la fourchette serait alors à 5026 % de la médiane en conventionnelle (18 849 / 0.125 = 150792 ; 150792 / 3000 x 100 = 5026 %)
Ces % semblent énormes, sûrement par le fait que les produits soient à la fois très valorisés à l’achat, et aussi grâce à l’absence d’investissement dans la mécanisation / carburant / intrants. De même, la surface considérée par l’INRA était vraiment le cœur le plus productif de la ferme, on peut penser que les rendements surfaciques pouvaient être supérieurs sur cette aire…

-Pour le champ « agriculture intégrée » :
Pour la quantité produite par agriculteur, on considère la même fourchette inférieure que l’agriculture biologique qu’elle englobe. En revanche, on considère ici qu’une exploitation en agriculture intégrée qui utilise des pesticides, mais en limitant leur épandage au maximum, peut limiter sa perte de rendement à 10% (https://fr.wikipedia.org/wiki/Agriculture_int%C3%A9gr%C3%A9e)
Concernant la marge financière par quantité de produit (axe des abscisses), on considérera un coût des intrants en conventionnel correspondant à environ 40 % du chiffre d’affaire. Je n’ai pas de véritables sources sur le sujet pour le moment, mais en bonne approximation, les économies pourraient permettre d’améliorer le bénéfice par quantité de produits de 10 à 20 %...

-Pour le champ « TCS » :
Il semblerait que la baisse de rendement par rapport à un système en labour soit seulement de 10% environ (https://cipf.be/shared/files/fr/nonlabour.pdf)
De plus, les TCS permettent une diminution du temps de travail des agriculteurs de par la diminution du travail du sol. On estimera donc ici qu’un système en TCS produit entre 90 et 100% par agriculteur de ce que produit un système conventionnel intensif.
Concernant la marge financière par quantité de produit (axe des abscisses), on considère une économie d’environ 150 euros par ha et par an grâce aux économies de carburant (https://agriculture-de-conservation.com/Consommation-gas-oil.html). On considère par ailleurs que les produits se vendent au même prix que le conventionnel.
La base de la fourchette serait alors à 22 % de la médiane en conventionnelle ((500 + 150) / 3000 x 100 = 27 %)
Le plafond de la fourchette serait alors à 305 % de la médiane en conventionnelle ((9000 + 150) / 3000 x 100 = 305 %)
 
-Pour le champ « ACS » :
Il semblerait que la baisse de rendement par rapport à un système en labour soit entre 10 et 20 % environ (https://www.sifee.org/static/uploaded/Files/ressources/actes-des-colloques/angers/theme-4/1_Guichard_etal_comm.pdf )
On estimera donc ici qu’un système en ACS produit entre 80 et 90% par agriculteur de ce que produit un système conventionnel intensif.
Concernant la marge financière par quantité de produit (axe des abscisses), on considère une économie d’environ 325 euros par ha et par an grâce aux économies de carburant (https://agriculture-de-conservation.com/Consommation-gas-oil.html). On considère par ailleurs que les produits se vendent au même prix que le conventionnel.
La base de la fourchette serait alors à 27 % de la médiane en conventionnelle ((500 + 325) / 3000 x 100 = 27 %)
Le plafond de la fourchette serait alors à 310 % de la médiane en conventionnelle ((9000 + 325) / 3000 x 100 = 310 %)

Diagramme 3 : Réduction des émissions de gaz à effet  de serre.

(Source des statistiques liées aux GES dans l’agriculture : https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/defis-environnementaux/changement-climatique/emissions-de-gaz-a-effet-de-serre/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-de-l-agriculture )
L’agriculture est responsable de l’émission d’environ 20% des gaz à effet de serre en France. La modification des pratiques agricoles peut cependant aboutir à une atténuation de cet impact écologique.
Les GES produits par le secteur agricoles sont originaux car il s’agit en grande majorité d’autres gaz que le CO2, en l’occurrence le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O). Le CO2 représente ainsi seulement 13% des émissions agricoles, le CH4 45% (même s’il faut relativiser au vu de son temps de résidence assez court dans l’atmosphère), et le N2O 42%.
Les pouvoirs réchauffant du CH4 et du N2O sont respectivement 23 fois et 300 fois plus importants que celui du CO2 à quantité égale.
Nous ne nous intéresserons ici qu’aux cultures, dans lesquelles la grande majorité des émissions de GES sont du N2O, en général lié à la fertilisation azotée. Les quelques % restants sont des émissions de CO2 liées en général au fonctionnement de machines agricoles liées à la mécanisation.
Mais d’un autre côté, l’agriculture a le pouvoir de limiter l’effet du réchauffement climatique de par sa capacité à stocker du carbone dans les sols. Certaines pratiques permettent d’optimiser ce stockage et ainsi de compenser partiellement les émissions.
Le diagramme ne comportant que deux axes, il fallait faire un choix. J’ai choisi de mettre en ordonnée les limitations des émissions de GES permises par les différentes pratiques, et en abscisse le stockage de carbone dans les sols.
 
*Axe des ordonnées : limitation des GES.

-Unité :
Sur cet axe, la limitation des émissions est exprimée en kg CO2eq / U / an. « kg CO2eq » signifie « kilogramme équivalent CO2 ». Un « kg CO2eq » correspond donc à la quantité de GES ayant le pouvoir réchauffant d’un kg de CO2. « U » signifie ici « unité de production ». On considère qu’il s’agit de la quantité de denrées produites par un hectare dans un système intensif. J’ai fait le choix de cette unité pour tenter de prendre en compte l’effet du rendement sur les émissions de GES. Une culture avec un rendement faible produit moins par unité de surface, donc nécessite davantage de surface pour produire la même quantité de denrées, donc émet davantage de GES.

-Source utilisée :
Pour la position sur l’axe des ordonnées, nous utilisons le rapport suivant : https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/4ce01662146c72f5de3ed9130c30c5dd.pdf
Ce rapport semble un peu ancien mais complet et propose un grand nombre de pistes pour limiter les émissions en système cultural.

-Prise en compte ou non des différentes pistes d’atténuation :
Certaines pistes ne sont pas prises en compte dans les diagrammes car elles ne sont applicables que sur des assiettes trop limitées. C’est le cas par exemple de l’amélioration de l’efficacité de l’azote, des cultures intercalaires (cette piste ne s’applique que pour la vigne et les vergers), et des bandes enherbées (uniquement en bordure de cours d’eau).
La valorisation de la matière organique n’est pas non plus prise en compte car cette piste n’est envisagée que sur une échelle « globale », c’est-à-dire sur l’ensemble du pays. Elle ne dépendra par conséquent pas des pratiques agricoles locales.
Nous utilisons donc ici les axes d’atténuation suivants : réduire la dose d’engrais azotés, ce qui permet ainsi d’éviter les émissions de N2O dans l’atmosphère. Utiliser des légumineuses, ce qui permet de fertiliser le champ sans épandage d’engrais, et donc d’éviter les émissions de N2O. Utilisation du semis direct, qui permet d’économiser du carburant, mais qui présente aussi un risque d’émissions supplémentaires de N2O. Utilisation de techniques culturales simplifiées, qui permettent d’économiser du carburant.
Concernant l’utilisation de légumineuses, il est bien précisé que la fréquence des légumineuses dans la rotation n’est que d’un an sur 6. C’est la raison pour laquelle le gain potentiel de cette technique a été divisé par 6.
Chaque système est associé à un % d’utilisation de la piste d’atténuation, ce qui nous permet de calculer des fourchettes d’atténuation pour chaque piste et pour chaque système.

-Impact des rendements sur les émissions :
Concernant l’impact des rendements, en considérant une moyenne de 2 tCO2eq/ha (total de 34 MtCO2eq associé aux cultures, divisé par 18.4 Mha, soit le total des terres arables en France), on peut calculer une « pénalité » pour chaque système par un simple produit en croix.
Pour savoir où se positionne chaque système sur l’axe des ordonnées de ce diagramme, il suffit donc d’additionner toutes les fourchettes et d’y soustraire la pénalité liée aux rendements.
 
*Axe des abscisses : stockage du carbone.

-Unité :
Sur l’axe des abscisses, le stockage de carbone dans le sol est exprimé en kg CO2 / ha / an.
Attention cependant, le stockage du carbone n’est pas illimité puisqu’un équilibre sera atteint au bout d’un certain temps. Les flux indiqués sur ce diagramme sont donc temporaires le temps d’atteindre cet équilibre.

-Source utilisée :
Concernant le stockage du carbone, nous utilisons le rapport suivant : https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/etude-4-pour-1000-resume-en-francais-pdf-1.pdf
Ce rapport est plus récent et les fourchettes sont moins larges que dans le rapport utilisé pour l’axe des ordonnées. Dans une optique de vulgarisation, il semble donc plus adapté, c’est la raison pour laquelle nous privilégions cette source par rapport à l’autre.

-Différentes pistes de stockage :
4 pistes de stockages sont prises en compte dans les diagrammes : les haies et l’agroforesterie, qui présentent un gros potentiel de stockage mais qui ne sont imposés dans aucun des systèmes culturaux actuels. Le semis direct, qui est utilisé en ACS uniquement et dont l’impact est limité (augmentation du stockage dans les horizons superficiels, mais diminution en profondeur). La mise en place de couverts végétaux, qui est imposée dans l’ACS mais qui peut aussi être utilisée ailleurs.
La somme des stockages potentiels de chaque piste définit la position dans le diagramme de chaque système.
 
*Différents systèmes considérés :

-Pour le champ « conventionnel avec excès » :
Encore une fois, ce système nous sert de système de référence et définit les origines de nos deux axes. On considère que ce système n’utilise aucune des pistes pour l’atténuation ou le stockage.
Ce système bénéficie en revanche d’un fort rendement (100%).

-Pour le champ « agriculture raisonnée » :
On considère que ce type d’agriculture permet uniquement l’utilisation de la piste « réduire la dose d’engrais azotés » de 40 à 70% (pourcentages arbitraires…).
On considère que ce système peut utiliser des couverts végétaux ainsi que de l’agroforesterie ou des haies.
On considère que ce système bénéficie d’un rendement maximal de 100%.

-Pour le champ « agriculture intégrée » :
On considère que ce type d’agriculture permet l’utilisation de la piste « réduire la dose d’engrais azotés » de 70 à 100% (pourcentages arbitraires…). On considère donc que l’agriculture intégrée est plus efficace pour la réduction d’engrais azotés que l’agriculture raisonnée.
On considère que ce système peut utiliser des TCS ou du semis direct, des couverts végétaux ainsi que de l’agroforesterie ou des haies. Mais rien n’est imposé.
L’agriculture intégrée est pénalisée par un rendement un peu plus faible (défini à 90%).

-Pour le champ « agriculture biologique » :
On considère que ce type d’agriculture permet l’utilisation de la piste « réduire la dose d’engrais azoté » de 40 à 100% (pourcentages arbitraires…). On considère donc que l’agriculture biologique utilise globalement moins d’engrais azotés mais avec une forte disparité entre les exploitations.
On considère que ce système peut utiliser des TCS, des couverts végétaux ainsi que de l’agroforesterie ou des haies. Mais rien n’est imposé.
L’agriculture biologique est pénalisée par un rendement plus faible (défini à 80%).

-Pour le champ « ACS » :
On considère que ce type d’agriculture permet l’utilisation de la piste « réduire la dose d’engrais azoté » de 40 à 100% (pourcentages arbitraires…), car on considère que les couverts végétaux permettent de limiter la quantité d’azote à apporter. L’ACS impose aussi le semis direct, ainsi que les couverts végétaux (notés donc à 100%). L’ACS, de part ses couverts végétaux, favorise l’utilisation de légumineuses en intercultures (50% à 100%, pourcentages arbitraires).
On considère que ce système peut utiliser de l’agroforesterie ou des haies, mais rien n’est imposé.
L’ACS est pénalisée par un rendement plus faible (défini à 85%).

-Pour le champ « TCS » :
Ce type d’agriculture impose les techniques culturales simplifiées (à 100% donc).
On considère que ce système peut limiter sa dose d’azote et peut utiliser des légumineuses. Il peut aussi utiliser des couverts végétaux ainsi que de l’agroforesterie ou des haies. Mais rien n’est imposé.
Le système « TCS » bénéficie d’un bon rendement (estimé à 95%).

-Pour le champ « permaculture » :
La permaculture, de part l’absence de mécanisation, bénéficie d’un bonus en termes de GES estimé à 120 kg / ha. Ce chiffre correspond à 6% de 2t, 6% étant la proportion de GES dévolue à la mécanisation en culture (d’après https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/defis-environnementaux/changement-climatique/emissions-de-gaz-a-effet-de-serre/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-de-l-agriculture)
On considère que la permaculture utilise le semis direct (car pas de travail du sol), et des couverts végétaux. On considère aussi que ce système utilise l’agroforesterie et la mise en place de haies. On suppose enfin que la permaculture utilise des légumineuses (au moins 50%).
On considère que la permaculture peut limiter la quantité d’engrais azotés mais que ce n’est pas forcément le cas. D’ailleurs au Bec Hellouin, la quantité d’engrais azotés épandue (d’origine naturelle certes) est considérable dans les couches chaudes ou les buttes.
 
*Tableau de calculs 

Diagramme 4 : Limitation des risques liés à l'azote.

Les engrais azotés naturels ou de synthèse peuvent être lessivés et ainsi s’infiltrer dans les sols. Les molécules azotées peuvent ensuite occasionner des risques écologiques, voire sanitaires. Le risque principal étant l’eutrophisation de certains milieux aquatiques par prolifération d’algues vertes, ce qui entraine une destruction de la biodiversité locale.

On considère ici deux axes de limitation de ces risques. Chaque axe présente ici 4 graduations arbitraires (de 0 à 3 « points »).
-En abscisse, on indique la quantité d’engrais azoté épandu. On considère plusieurs moyens de limiter cette quantité :
*Limiter les surplus d’engrais en calculant précisément la quantité juste nécessaire.
*Limitation grâce aux couverts végétaux qui permettent l’absorption de l’azote épandu et son relargage progressif lors de la destruction du couvert.
*Limitation grâce à l’intégration de légumineuses dans les rotations et dans les couverts.
-En ordonnée, on indique la vitesse de diffusion des molécules azotées dans le sol. On considère ici deux principaux moyens de ralentir le lessivage de l’azote (source intéressante : http://www.normandie.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/fertilisation_v6.pdf) :
*La structure du sol joue à priori un rôle important : plus le sol est déstructuré par un travail du sol plus ou moins intensif, plus les ions azotés ont tendance à pénétrer rapidement, et donc à poser des problèmes ailleurs. On considère ici trois niveaux de structuration : sol labouré (0 point), sol travaillé superficiellement (1 point), et absence totale de travail (2 points).
*La nature du fertilisant joue aussi : il semble que l’utilisation de fertilisants organiques limite la diffusion de l’engrais dans les sols (1 point) car les ions azotés seront relargués dans le sol de manière plus progressive. L’utilisation de retardateurs ou l’augmentation de la fréquence des épandages (associé à des doses inférieures) jouent également dans la diffusion, mais ces facteurs sont difficiles à prendre en compte dans le diagramme car ce genre de pratiques n’est pas à ma connaissance vraiment associée à un type d’agriculture en particulier.

-Pour le champ conventionnel classique :
Considérant dans ce modèle aucun effort agroécologique, on considère aucune limitation particulière de la quantité ni de la diffusion de l’azote sans le sol.

-Pour le champ TCS :
Pour ce modèle, on considère une quantité d’engrais qui peut varier du minimum au maximum car la TCS n’implique aucune contrainte sur ce paramètre.
Pour la diffusion, on considère qu’elle varie de 1 point à 2 points suivant la nature des fertilisants utilisés. Un point étant acquis par la mise en place d’un travail réduit.

-Pour le champ ACS :
Pour ce modèle, on considère que l’obligation de couverts végétaux limite la quantité d’engrais à utiliser (notamment en cas d’utilisation de légumineuses). On considère donc de façon un peu arbitraire un champ situé entre 1 et 3 points.
Pour la diffusion, on considère qu’elle varie de 2 points à 3 points suivant la nature des fertilisants utilisés. Deux points étant acquis par l’absence de travail du sol.

-Pour le champ agriculture biologique :
Pour ce modèle, on considère que l’obligation d’utiliser des engrais naturels impose une limite aux agriculteurs de la quantité de fertilisants utilisés. On considère donc de façon un peu arbitraire un champ situé entre 1 et 3 points.
Pour la diffusion, on considère qu’elle varie de 1 points à 2 points suivant la nature du travail du sol (labour ou TCS). Un point étant acquis par la nature organique des fertilisants utilisés.

-Pour le champ permaculture :
Pour ce modèle, on considère qu’on est à 3 points sur l’axe des ordonnées car l’absence de travail du sol et l’utilisation de fertilisant organique donne trois points.
En revanche pour la quantité de fertilisants utilisés, la permaculture telle qu’elle est utilisée au Bec Hellouin utilise de grosses quantités de fertilisants organiques (mulch et fumier) pour la mise en place des buttes ou des « couches chaudes ». (source : https://www.fermedubec.com/wp-content/uploads/2017/11/Novembre-2017_Flux-matieres-organiques.pdf   p.25). Il y est utilisé entre 17 et 62 kg de fumier par m² et par an, soit entre 170 et 620 t/ha/an, ce qui est colossal et même illégal (limite légale pour le fumier de cheval : 20 t/ha/an).
 
-Pour le champ agriculture intégrée :
 Pour ce modèle, on considère une quantité d’engrais fortement limitée par les techniques utilisée. On place donc arbitrairement le curseur entre 2 et 3 points.
Pour la diffusion, à ma connaissance l’agriculture intégrée n’impose aucune limite dans le travail du sol ni dans la nature des fertilisants utilisés. On place donc ce champ entre 0 et 3 points.

-Pour le champ agriculture raisonnée :
On considère pour ce modèle une limitation des fertilisants épandus, mais une absence de couvert végétal. Le champ se trouve donc à 1 sur l’axe des abscisses.
On considère pour ce modèle une absence de TCS et l’utilisation de fertilisants de synthèse, donc le champ se trouve sur 0 en termes de diffusion des ions azotés.